
L’ histoire de Spinalonga est absolument bouleversante. Il est difficile d’imaginer dans un cadre si somptueux le passé tragique de cette île autrefois forteresse vénitienne et transformée en léproserie au début du XX ème siècle.
Au début des années 1900, une épidémie de lèpre sévit en Europe. Les connaissances sur cette maladie sont très limitées et pour éviter tout risque de propagation, les autorités grecques prévoient l’isolement des malades sur l’îlot de Spinalonga où subsistent encore quelques vieilles bâtisses laissées par les turcs récemment vaincus et expulsés de Crète.
Les lépreux connaissent déjà la stigmatisation, le rejet mais ce décret d’une extrême sévérité lui donne une forme de légitimité, autorisant tacitement les comportements les plus abjects: dénonciations, violence, traques policières, arrestations menottées…On pourrait penser que l’ isolement des malades relève d’ une simple mesure sanitaire mais il n’en est rien. Aux premiers signes de la maladie, les victimes sont rayées des registres communaux et perdent leurs droits civiques faisant d’eux des bannis de la société.
Lorsque vous visiterez la forteresse de Spinalonga, comme les lépreux vous entrerez par la porte de Dante, une sorte de tunnel symbolisant le passage en enfer. Car il s’agit bien de cela. Les plus chanceux réussissent à serrer leur père, mère ou fille une dernière fois dans les bras avant d’être conduits à Spinalonga. Une vie dans le déchirement commence. Une vie dure, miséreuse où les conditions d’hygiène sont précaires et réduites au strict minimum. Une vie où la seule perspective est de se préparer à mourir.

Les premières années sont extrêmement difficiles. Le désengagement volontaire de l’état prive les malades de nourriture, d’eau potable et de soins médicaux. La mort est quotidienne et son spectre hante tous les esprits. Pour survivre dans cet univers hautement pathogène et ne pas sombrer dans la folie, les malades organisent une société basée sur la solidarité, le respect, l’ empathie. La finalité suprême est bien entendu de survivre mais également de retrouver une dignité, une humanité.
Chacun apporte son savoir qu’ il soit intellectuel, médical ou plus technique et Spinalonga devient peu à peu un village à part entière avec son église, son école, son marché, son dispensaire.. Beaucoup diront que Spinalonga est le modèle d’une société idéale où l’humain retrouve sa place au centre de toutes les préoccupations et pour cause: » on ne meurt jamais seul à Spinalonga, il y a toujours quelqu’un pour vous tenir la main. »
Je déambule dans les ruelles de ce village fantôme et reste frappée par sa singularité. J’imaginais un endroit triste, lugubre un peu comme ces villages martyres où la souffrance d’un peuple est inscrite dans chaque mur, derrière chaque porte. Ce que je découvre est tout autre. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, il y règne une atmosphère apaisante. La lumière, les couleurs, la plastique du lieu supplantent son histoire et sa charge symbolique.
Au début des années 50, les recherches médicales mettent au point un traitement efficace permettant de guérir la lèpre. Dès 1954, les premiers malades quittent l’île de Spinalonga. Beaucoup ne rentrent pas chez eux mais rejoignent un dispensaire athénien afin de bénéficier de soins médicaux. C’est l’ultime étape pour tenter de se reconstruire avant de retrouver une place dans le monde.
La souffrance psychologique inhérente à toutes ces années d’isolement est souvent pire que les mutilations corporelles causées par la maladie. Pourtant ce sont bien ces marques physiques qui, aux yeux des autres, maintiendront les habitants de Spinalonga dans ce statut de paria. Le rejet persiste. Inexorablement. Ils resteront les lépreux de leur village comme si la lèpre était pour toute la vie.
La visite touche à sa fin, je suis profondément émue car l’évocation de cette sombre histoire crétoise m’ amène forcément à m’ interroger sur les mécanismes d’exclusion encore très contemporains qui répriment toute différence et s’acharnent sur les plus vulnérables… A travers les lépreux de Spinalonga, comment ne pas voir un homosexuel, un sidéen ou encore un migrant ? Le désengagement de l’état, la peur, la ghettoïsation, la stigmatisation…on retrouve tous les éléments qui conduisent inéluctablement au rejet et vont jusqu’à priver l’ Homme de toute dignité.
Les photos des personnes atteintes de la lèpre exposées dans mon article sont issues d’un essai cinématographique s’intitulant » l’ordre » et réalisé par Jean-Daniel Pollet en 1973, avec la contribution des quelques anciens résidents de Spinalonga qui ont accepté de témoigner. Je vous encourage bien entendu à le regarder pour compléter votre visite.
Conseils et informations pratiques |
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Tarifs entrée léproserie . 8 euros . ouvert de 9h00 à 17h30 . site fermé de novembre à mars . site internet officiel du ministère: île de Spinalonga Comment se rendre sur l’île de Spinalonga ? Il existe de nombreuses façons de se rendre en bateau sur l’île de Spinalonga que se soit de manière autonome ou par l’intermédiaire d’une excursion organisée. – depuis Plaka: . c’est le moyen le plus rapide et le moins onéreux, Plaka est un petit village de pêcheur situé à moins de 800 mètres de l’îlot. . 10 euros l’aller retour . 5 minutes de traversée . départ depuis le port toutes les 30 minutes sans réservation de 9h00 à 17h30 . parking gratuit – depuis Elounda: . 12 euros aller retour . 15 minutes de traversée . départ toutes les 30 minutes sans réservation – depuis Agios Nikolaos: . Il s’agit le plus souvent d’excursions organisées comprenant la traversée en bateau, le repas et un arrêt sur une plage. Les tarifs dépendent du prestataire choisi. |
Ainsi s’achève mon carnet de voyage dédié à la Crète. Dans le prochain article à paraitre sur le blog, vous trouverez des conseils, des recommandations, des idées d’itinéraire pour vous aider au mieux à préparer votre voyage sur » la grande ïle » ( comme peuvent la surnommer les crétois ).
Je ne connaissais pas, touchante comme histoire. Et merci pour cette découverte !!
Bonne soirée 🙂
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Très touchante effectivement d’autant plus que les faits sont très récents… Merci à toi pour ta visite !
Belle soirée également !
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J’ai lu le roman qui traite de cette île et je n’avais pensé qu’on puisse visiter l’île. Mais oui, c’est à faire. Et oui, les mentalités n’ont pas changé malheureusement.
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Et oui Spinalonga se visite ! Et il y aurait même une série télé adaptée du roman… Merci pour ton commentaire et belle soirée à toi !
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Oh ! J’y prêterai attention, je pense. Merci pour l’info.
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Bonjour, j’ai visité l’île il y a quelques années et j’ai été très touchée par son histoire. J’avais appris son existence grâce à L’île des oubliés de V. Hislop. Bonne journée. Maëlys
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Bonjour Maëlys,
Tu as tout à fait raison de préciser l’existence de ce « best-seller qui évoque les conditions de vie des habitants de Spinalonga…Je ne l’ai pas encore lu donc je n’ai pas osé en parler dans mon article…Voila qui est fait grâce à ton commentaire !
Belle journée à toi !
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Il y a également eu une adaptation télévisée (mini-série) du livre mais je ne l’ai trouvée qu’en grec.
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Oui… Effectivement je viens de faire quelques recherches…Elle a vraisemblablement eu beaucoup de succès ! Merci encore pour toutes ces précisions !
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J’apprécie ton parallèle entre les lépreux victimes du rejet à cause de leur « différence » et ces migrants ou autres personnes « différentes » exclus, bannis.. C’est très juste. 🙂
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